Ecriture de nouvelles                               Concours de Nouvelles 2006/2007
    organisé par la Médiathèque de Val de Reuil

Élèves de 6ème SEGPA du collège Alphonse Allais 

Histoire lue par les élèves de SEGPA                    Le Fantôme de la Rivière
          Il était une fois une très belle princesse qui vivait avec ses riches parents, qui étaient roi et reine, dans un grand château en argent, aux escaliers d’or, décoré d’objets de chevalerie. Une cour immense, dans laquelle il y avait des écuries et un maréchal ferrant, faisait le tour du château. A l’intérieur du château il y avait des cachots et des gardes du corps. La princesse était brune avec des mèches blondes, elle avait des cheveux très longs, doux comme la queue d’un chat. Ses yeux ovales, bleus comme un ciel d’été, sous des sourcils fins et bien arrondis et des cils pas très grands, étaient malicieux comme ceux d’un lutin. Elle portait des lunettes. Elle avait des lèvres rouges et brillantes et des petites dents carrées très blanches car elle les brossait tous les jours, des oreilles bien collées et un nez un peu arrondi. Sa peau était blanche comme la neige, lisse comme un foulard de soie. Tout le monde admirait ses petits pieds aux ongles courts, épais et brillants. La princesse avait tout pour être heureuse. Elle partageait une vie merveilleuse avec ses parents. Elle avait des bijoux en or et en argent, de belles robes pour aller au bal, un lit à baldaquin pour dormir et pour ses promenades un carrosse rose tiré par des chevaux blancs. Elle mangeait ce qu’il y avait de meilleur, surtout des fruits et de la salade pour ne pas grossir.

          Mais un jour la chance se mit à tourner, ses parents moururent, la princesse perdit peu à peu sa fortune et finit par se retrouver dans une misère noire. Elle était tellement inquiète qu’elle n’arrivait plus à fermer l’œil, elle passait des nuits blanches à pleurer, souffrait de maux de tête et était obligée de prendre des somnifères à base de plantes pour réussir à dormir un peu. Pour se nourrir elle volait des fruits et des légumes dans les champs et les jardins. Elle portait à présent des vêtements déchirés, elle n’avait plus qu’un bout de tissu en guise de robe, ses chaussures avaient perdu leurs talons, elle allait pieds nus comme une pauvresse et tout le monde se moquait d’elle.


          Un soir, près de la rivière, alors que la malheureuse pensait à tous ses problèmes, elle entendit un petit bruit. Etonnée, elle leva les yeux et vit un minuscule fantôme sortir de l’eau, laid à faire peur. Il était enveloppé dans un immense drap blanc qui flottaitautour de lui. La princesse crut qu’elle rêvait. Elle avait très peur. Elle allait se sauver quand le fantôme cria son nom d’une voix grave et sèche et lui posa cette question :

  • Laura, pourquoi as-tu l’air si malheureuse ?

Juste après il lui fit une horrible grimace en guise de sourire et la princesse, d’abord épouvantée, finit par lui raconter son histoire : la mort de ses parents et sa richesse perdue. Le fantôme lui dit alors :

  • N’aie pas peur, aie confiance en moi, je vais te rendre encore plus riche que tu ne l’étais avant. Je travaillerai pour toi, je te nourrirai et je t’habillerai. Tu auras tout ce que tu voudras, sans exception. En échange tu me feras cadeau de la première chose qui naîtra chez toi lorsque tu auras retrouvé le bonheur et la richesse.

La princesse pensa qu’elle pourrait lui donner le prochain cheval qui viendrait au monde dans son écurie. Alors elle dit oui aux propositions du fantôme et celui-ci s’enfonça tout au fond de l’eau.

          Laura, pleine d’espoir pour le futur, revint toute contente dans sa cabane en bois et en carton. À la nuit tombée elle sortit de chez elle pour aller voir son ancien château, celui qu’elle avait dû abandonner à la mort de ses parents. De loin elle aperçut un bout de son carrosse tout abîmé. Les chevaux n’étaient plus là. Elle entra dans les écuries et demanda au maréchal ferrant où ils étaient passés. Il lui dit qu’il les avait vendus. Elle pénétra dans le château et vit dans la grande salle le canapé tout craqué, son lit à baldaquins pourri par l’humidité. Elle alla dans la chambre de ses parents et entendit grincer la porte de l’armoire. Elle l'ouvrit et vit les robes de sa mère mangées par les souris. 

          

          Pleine de chagrin elle s'apprêtait à rentrer chez elle lorsqu’elle aperçut un homme qui avançait lentement dans sa direction. Quand elle vit de plus près l’étrange créature au long manteau noir, elle se rendit compte que c’était un vampire. Son visage était pâle, il avait des lèvres rouges pleines de sang et dégageait une affreuse odeur de bière et de transpiration. La princesse se mit à hurler et se sauva à toute vitesse. Après avoir couru longtemps, elle s’arrêta toute essoufflée pour se reposer un peu, croyant avoir semé l’horrible créature, quand tout à coup elle la sentit derrière elle. Elle se débattit faiblement quand il essaya de la mordre. Elle eut juste le temps d’entendre le galop d’un cheval avant de s’évanouir. Un prince, qui passait par là, entendit la voix terrifiée de la princesse et comprit tout de suite le danger qu’elle courait. Il se précipita sur le vampire, lui trancha la tête avec son épée et transporta la princesse évanouie sur son cheval blanc. En la voyant si belle et si douce, il en était tombé éperdument amoureux… Il l’emporta dans son château et la soigna jusqu’à ce qu’elle se réveille.


          Un an plus tard, la jeune princesse, qui avait épousé le prince et retrouvé le bonheur et la richesse, donna naissance à deux superbes jumelles qu’elle appela Marjolaine et Justine. Après la naissance des jumelles, la princesse, qui avait peur que le fantôme ne sorte de l’étang pour lui réclamer l’une d’elle, ne passa plus jamais près de la rivière et empêcha ses deux filles d’aller jouer près de l’eau. Les filles étaient étonnées.

Marjolaine, la plus curieuse et la plus désobéissante, demandait souvent à sa mère :

  • Mère, pourquoi nous empêches-tu toujours d’aller nous amuser près de la rivière ?

Mais la princesse ne répondait rien ! Les jours passèrent et plus personne n’entendit parler du Fantôme de la Rivière. La princesse reprit une vie normale avec son époux et ses enfants, aussi heureuse que lorsque ses parents étaient encore de ce monde. Marjolaine et Justine étaient devenues de belles adolescentes, presque en âge de se marier.


          Un jour Marjolaine aperçut un cheval d’un blanc éclatant, qui ressemblait à une licorne. Elle voulut le caresser et ne put résister à l’envie de le chevaucher. À peine était-elle montée sur son dos que la licorne se dirigea au grand galop vers la rivière et plongea dans les profondeurs de l’eau, emportant avec elle la jeune fille pour la remettre au fantôme.
La nuit était tombée depuis longtemps et Marjolaine ne revenait pas. Ses parents et sa sœur, inquiets de ne pas savoir où elle se trouvait, partirent à sa recherche. Soudain la princesse Laura se rappela la promesse qu’elle avait faite au fantôme. Complètement affolée, elle courut vers la rivière. Quand elle vit dans l’herbe les traces de sabots de la licorne et le bandana de sa fille pris dans une branche d’arbre juste au bord de l’eau, elle comprit que la malédiction du fantôme s’était réalisée ! En hurlant de chagrin, elle arracha ses habits pour plonger à la recherche de sa fille. Mais elle eut beau s’enfoncer dans les profondeurs de la rivière, elle ne vit ni le fantôme ni Marjolaine !

Elle sortit de l’eau en criant au secours et dit en sanglotant à son mari et à Justine qui venaient d’arriver :

  • Il est arrivé un malheur ! J’ai trouvé le bandana de Marjolaine dans un arbre au bord de l’eau !

Son mari allait lui aussi sauter dans l’eau dans l’espoir de sauver sa fille quand tout à coup de petites vagues agitèrent la surface de l’eau. Le fantôme grimaçant apparut dans la clarté de la lune, sans la jeune fille. Il s’adressa aux parents en ricanant, juste avant de disparaître :

  • Vous ne reverrez plus jamais votre fille !

Les parents désespérés eurent l’impression d’entendre des cris d’enfant et aperçurent la chaussure rouge de Marjolaine qui flottait sur l’eau. Justine, la sœur jumelle de Marjolaine, cria de toutes ses forces :

  • Reviens Marjolaine, sauve-toi avant que le fantôme ne te prenne  pour toujours !

Elle appela en vain. Désespérés de ne pas avoir pu sauver leur fille, la princesse et son mari retournèrent chez eux en emmenant de force Justine, qui refusait d'abandonner sa soeur jumelle et tenait serrée contre son coeur la chaussure rouge de la jeune fille.

          La nuit, la princesse fit un rêve bizarre : elle courait le long d'un chemin dans une forêt sombre où il y avait des arbres aux formes étranges qui lui fouettaient le visage avec leurs branches, tandis qu'une neige épaisse lui cachait la vue. Elle était perdue et ne savait plus où aller. Arrivée au milieu de la forêt, elle voyait au loin un beau piano tout blanc, essayait d'en jouer et, dès les premières notes de musique, le soleil revenait et remplissait la forêt d'une douce lumière. Elle apercevait au loin une maisonnette en bois et, sans savoir pourquoi, criait « Maman » de toutes ses forces et voyait alors se dessiner au sol, devant la porte, les ombres de ses deux parents. Elle se sentait toute joyeuse à l'idée de les revoir et s'apprêtait à courir vers eux quand là, brutalement, elle se réveilla, trempée de sueur et essoufflée comme si elle avait marché toute une journée.


          À son réveil, elle décida de retrouver la maisonnette qu'elle avait vue dans son rêve. Sans rien dire à personne, elle se dirigea résolument vers le milieu de la forêt, loin de chez elle. Tout se passa comme dans son rêve : elle chemina péniblement dans la forêt touffue et ennneigée, retrouva le piano, joua une douce mélodie qui fit apparaître un soleil doré, vit la maisonnette, cria « Maman » et à ce moment précis, se retrouva pour de bon en face de ses parents, bien réels, ridés, les cheveux tout blancs, qui l'accueillirent gaiement et la prirent dans leurs bras.

Son père lui dit tendrement en la regardant au fond des yeux :

  • Pour que tu viennes jusqu'au Royaume des Morts, c'est que tu as une bonne raison ! Il t'est sûrement arrivé un grand malheur !

La jeune femme raconta toutes les aventures qu'elle avait vécues depuis leur mort. Elle parla du Fantôme de la Rivière et de la disparition de Marjolaine. 

Les deux vieillards aux cheveux blancs se regardèrent et lui dirent :

  • Nous avons déjà entendu parler du Fantôme de la Rivière, il y a bien longtemps de cela, lorsque nous appartenions encore au Royaume des Vivants. N'aie pas peur, tu reverras ta fille, nous allons t'aider à vaincre le monstre qui la retient prisonnière.

Sa mère lui tendit un trèfle à quatre feuilles et lui dit :

  • Voici un trèfle à quatres feuilles. La nuit où tu verras apparaître dans le ciel une étoile de mer géante, va au bord de la rivière. Effeuille le trèfle, lance un à un les pétales dans l'eau et tu verras ce qui se passera.

La princesse embrassa ses parents et prit le chemin du retour.

          Un mois plus tard la jeune femme, qui avait perdu le sommeil et surveillait le ciel toutes les nuits depuis la tour du château, vit surgir de derrière les nuages une gigantesque étoile de mer qui brillait autant que la lune. Elle courut à la rivière, effeuilla le trèfle et lança les pétales dans l'eau. Elle n'attendit pas longtemps. L'eau commença à bouillonner, les pétales de trèfle disparurent et la tête de Marjolaine émergea de l'eau. La jeune fille regardait sa mère avec des yeux implorants. La princesse s'approcha mais très vite l'eau se referma et engloutit la pauvre enfant. La rivière retrouva son calme, éclairée par l'étoile de mer qui se reflétait dans l'eau, tandis que le rire inquiétant du fantôme résonnait dans toute la forêt. La princesse Laura, croyant que tout était perdu, retourna chez elle en sanglotant.

Mais la même nuit, alors qu'elle venait de s'assoupir entre les bras de son époux, brisée par le chagrin et le désespoir, elle refit le rêve étrange qui l'avait conduite jusqu'à ses parents. Au petit matin, elle décida de retourner au Royaume des Morts pour demander conseil à ses parents.

Ceux-ci ne semblèrent pas étonnés lorsque la jeune femme leur dit ce qui s'était passé.

Sa mère lui tendit un cœur en or en lui disant :

  • Quand tu verras de nouveau apparaître dans le ciel une étoile de mer géante, va au bord de la rivière et frotte ce cœur en or jusqu'à ce qu'il brille comme un soleil. Puis jette-le dans l'eau, tu verras ce qui se passera.

La princesse fit ce qu'avait dit sa mère : lorque l'étoile de mer apparut parmi les étoiles, elle se rendit à la rivière et frotta le cœur en or de toutes ses forces. Bientôt il resplendit de mille feux et elle le jeta dans l'eau. Une grosse vague vint lécher ses pieds et entraîna le cœur au fond de l'eau. La rivière devint aussi agitée qu'un torrent et un trou se creusa en son milieu. L'eau giclait de tous les côtés ! Au milieu des remous Marjolaine apparut, cette fois jusqu'à la taille. La jeune fille regardait sa mère en tendant les bras vers elle. Son regard était encore plus triste que la dernière fois. La princesse se précipita vers elle mais une énorme vague tira de nouveau Marjolaine vers le fond de la rivière. Le rire du fantôme retentit de plus belle ! La jeune femme rentra chez elle en pleurant.

          La princesse, ne voulant pas perdre espoir, retourna une troisième fois au Royaume des Morts. Ses parents l'attendaient à l'entrée du royaume, leur regard était rempli de bonté.

La vieille femme la consola :

  • Ne pleure pas, tout n'est pas fini. Emporte ce collier avec toi. La nuit où l'étoile de mer se montrera dans le ciel, va à la rivière, défais ce collier et jette les perles une à une dans le courant. Tu verras bien ce qui se passera...

Mais avant de nous quitter embrasse-nous car c'est la dernière fois que nous nous voyons. Notre mission est terminée et nous allons enfin pouvoir nous reposer.


          Sept nuits et sept jours passèrent avant que l'étoile géante ne réapparaisse. Elle était à chaque fois un peu plus brillante ! La jeune femme s'appliqua à faire exactement ce que lui avait dit sa mère : elle défit le collier et jeta les perles dans l'eau jusqu'à ce qu'il n'en reste plus aucune. La rivière ressemblait à une mer déchaînée et le rire du fantôme passait au-dessus du grondement des flots. Au moment où elle lançait la dernière boule multicolore, une vague énorme rejeta Marjolaine sur la rive. La jeune fille était pâle comme la mort, elle avait un regard vide et ne semblait pas comprendre ce qui se passait. Sa mère la saisit par le bras et l'entraîna aussi loin que possible de la rivière pendant que le fantôme, méchant et furieux de la voir disparaître, s'énervait et jetait contre les deux femmes vulnérables les eaux infernales. Mais il eut beau faire, rien ne put les arrêter et au petit jour elles arrivèrent en vue du château. Marjolaine tremblait tellement de froid et de peur que sa mère craignait qu'elle ne perde la raison. La jeune fille ne répondait même plus à l'appel de son prénom et ne semblait pas savoir où elle se trouvait.
Quand elles pénétrèrent dans l'enceinte du château, Justine courut vers Marjolaine et lui tendit la petite chaussure rouge qu'elle avait gardée en souvenir d'elle. La pauvre enfant hésita puis finalement prit entre ses mains le précieux soulier. Alors tous ses souvenirs ressurgirent et elle se jeta dans les bras de sa sœur adorée.

          Le bonheur revint au château. Les deux jeunes princesses, Justine et Marjolaine, épousèrent deux frères jumeaux venus d'un autre royaume et on n'entendit plus jamais parler du Fantôme de la Rivière.

FIN

Atelier hebdomadaire d'écriture animé par Élisabeth Tardieu

Octobre 2006 / Février 2007

Ecriture de nouvelles